
"Une trahison" : médecins et professionnels libéraux s'insurgent contre le report des revalorisations tarifaires du 1er juillet
Le "risque sérieux" de dérapage de l'Ondam 2025, notifié le 18 juin par le Comité d'alerte sur les dépenses d'assurance maladie, entraine le report des revalorisations tarifaires prévues au 1er juillet. Trois professions sont impactées : les médecins spécialistes, les masseurs-kinésithérapeutes et les chirurgiens-dentistes. Alors que les syndicats dénoncent une "rupture du pacte conventionnel", la Cnam se défend d'avoir pris cette "décision".

Mauvaise nouvelle pour les professionnels de santé libéraux. En notifiant au Gouvernement, au Parlement et à la Cnam un "risque sérieux" que les dépenses d’assurance maladie dépassent de plus de 0.5% l'Ondam prévu pour 2025, l'avis rendu mercredi par le Comité d'alerte entraine la suspension de toutes les revalorisations tarifaires postérieures. "Pour les professionnels de santé concernés (médecins spécialistes, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes libéraux), les revalorisations sont donc suspendues et s’appliqueront au 1er janvier 2026", confirme la Cnam à Egora.
La convention médicale signée en juin 2024 avait en effet prévu que les revalorisations tarifaires interviendraient en deux temps pour de nombreux médecins spécialistes : une première vague au 22 décembre et une seconde… au 1er juillet 2025. La consultation de référence des psychiatres et des neurologues devait ainsi passer à 52 euros (+2 euros), celle des gériatres à 37 euros (+5 euros), celle des médecins MPR à 35 euros (+4 euros) et celle des pédiatres à 40 euros (+1 euro). En outre, les examens obligatoires de l'enfant donnant lieu à un certificat devaient être réhaussés de 6 euros pour atteindre les 60 euros. La suspension concerne également l'augmentation de la valeur du point travail (+1.5 point) de la CCAM.
Colère des médecins spécialistes
"Les médecins libéraux sont les dindons de la farce!", s'insurge AvenirSpé dans un communiqué diffusé ce vendredi 20 juin, qui "prend acte" de cette "décision". "Le gel de ces revalorisations, négociées difficilement, touche particulièrement des spécialités qui étaient dans un besoin urgent de soutien, notamment les pédiatres, les psychiatres, les gériatres, les dermatologues, les endocrinologues, les gynécologues et les médecins de réadaptation, déplore le premier syndicat de spécialistes. Des médecins libéraux qui prennent quotidiennement en charge des population déjà vulnérables et fragiles."
Déplorant "l'attitude" de la Cnam et "la mise en œuvre de politiques publiques qui ne sont construites que sur un concept commercial prix/volume", AvenirSpé s'interroge : "Comment, dans ce contexte où des tarifs d’actes n’ont pas été revalorisés depuis 2004, encourager les jeunes professionnels à rejoindre notre démarche ?". Et le syndicat de lancer : "Ce genre de décision détruit la confiance des soignants libéraux envers la Caisse d'Assurance maladie et notre système de santé."
Relevant les "dérives" identifiées par le Comité d'alerte - dépenses hospitalières "plus élevées que prévues", dépenses de médicaments et IJ en hausse- les Spés-CSMF regrettent que la première décision prise pour redresser les comptes... soit "une rupture du pacte conventionnel". Une décision qui impactera notamment les psychiatres libéraux, "un comble" en cette année dédiée à la santé mentale, s'offusque le syndicat. "En attaquant le pacte conventionnel on brise la confiance des médecins libéraux, on réduit l’attractivité de la médecine libérale, on pousse les jeunes médecins vers le salariat ce qui aggrave l’accès aux soins et réduit la productivité de notre système de santé et aggrave les déficits", met en garde la confédération.
Même colère du côté des kinés, qui attendaient avec impatience une revalorisation de leurs actes les plus courants à hauteur de 8%, après une première hausse de 3% de leur lettre clé en 2023. La profession est "victime d'un pilotage budgétaire défaillant de l'Ondam" et de "l'irresponsabilité budgétaire des pouvoirs publics", lance la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) dans un communiqué. Le syndicat dénonce "avec la plus grande fermeté" le déclenchement de ce mécanisme d'alerte "qui piétine les engagements conventionnels signés avec l'Assurance maladie" et qui "aurait pu être évité si l'Ondam avait été fixé à un niveau cohérent".
En suspendant ces revalorisations à quelques jours de leur application, l’Assurance maladie rompt unilatéralement le pacte conventionnel
"Ce signal est aussi brutal qu’injuste, s'élève Alizé, autre syndicat représentatif des kinés. Il l’est d’autant plus que le dépassement budgétaire constaté ne trouve aucune origine dans l’activité des kinésithérapeutes." "En suspendant ces revalorisations à quelques jours de leur application, l’Assurance maladie rompt unilatéralement le pacte conventionnel. Elle trahit la parole donnée, met en péril la confiance qui fonde toute relation entre partenaires, et mine durablement la crédibilité de l’institution conventionnelle", dénonce Alizé.
Ne tardant pas à réagir, Les Libéraux de santé, fédération qui regroupe 10 syndicats (dont la CSMF), ont dénoncé quant à eux "une trahison des partenaires conventionnels", "un dynamitage en règle du cadre conventionnel et du dialogue social". "En s’abritant derrière l’avis du Comité d’alerte sur l’Ondam, qui pointe les dérapages budgétaires de l’hôpital malgré les 12 milliards d’euros déversés dont ce secteur a bénéficié dans le cadre du le Ségur, la Cnam choisit de faire payer aux soins de ville", reprochent-ils. "Les Libéraux de santé ne seront pas les boucs émissaires d’un système dysfonctionnel !", s'insurgent-ils.
D'autres professions pourraient faire les frais de ce coup de rabot, tels les pharmaciens, s'inquiètent Les Libéraux de santé. "Convoqués cet après-midi à la Cnam", "ils s'apprêtent à être mis à contribution sur les génériques", informe la fédération, présidée par Philippe Besset, par ailleurs président de la Fédération des syndicats de pharmaciens d'officine (FSPF).
Alors que les syndicats précités appellent tous la Cnam à une réunion en urgence, Les Libéraux de santé "lancent un avertissement clair au Gouvernement : s’il ne fait pas marche arrière, alors le conflit sera inévitable. Et dès à présent, plusieurs syndicats entendent riposter en suspendant les négociations interprofessionnelles en cours dont l’ACI MSP."
La Cnam se défend
Vivement mise en cause, la Cnam a tenu à préciser à Egora que "cette suspension des revalorisations prévue au 1er juillet relève d’un mécanisme automatique, et n’est donc ni une proposition ni une décision de l’Assurance maladie". L’engagement de la procédure d’alerte prévue par les textes par le Comité d’alerte le 18 juin dernier "conduit automatiquement, en application de l’article L. 162-14-1-1 du code de la Sécurité sociale, à la suspension de toutes les mesures de revalorisation qui devaient intervenir postérieurement au déclenchement de la procédure d’alerte", indique l'Assurance maladie.
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